Le projet de sponsoring de 4,8 millions d’euros (environ 5 millions de dollars) entre la République démocratique du Congo et le club de football français AS Monaco provoque une vive indignation au sein de la société civile congolaise. Plusieurs organisations citoyennes, dont Filimbi, LUCHA, ainsi que des journalistes et défenseurs des droits humains, dénoncent une “dilapidation des fonds publics” en pleine crise nationale.
Présenté par les autorités comme une initiative visant à “promouvoir l’image du pays” et “attirer des investisseurs étrangers”, ce partenariat est largement critiqué pour son inopportunité, alors que le pays traverse une crise humanitaire, sécuritaire et sociale majeure.
« C’est une insulte à la souffrance du peuple », a réagi Bienvenu Matumo, militant du mouvement LUCHA.
« Alors que notre population meurt faute d’hôpitaux, de routes et d’écoles, on veut envoyer de l’argent pour mettre notre logo sur un maillot en Europe ? »
Le mouvement citoyen Filimbi fustige lui aussi ce projet, le qualifiant de “coquille vide sans stratégie nationale claire”, dans un communiqué rendu public et dont une copie est parvenue à Kivu Morning post.
« Dans un pays ravagé par les conflits armés, où des millions de déplacés survivent sans assistance, où des enfants meurent chaque jour de malnutrition, une telle décision est injustifiable, indécente et inopportune », a déclaré Palmer Kabeya, porte-parole de Filimbi.
Les critiques soulèvent aussi le paradoxe d’un investissement international coûteux alors que le sport congolais est à l’agonie. La Linafoot, championnat national, est quasiment à l’arrêt, faute de financements.
« Il aurait été plus judicieux de réinvestir ces millions pour relancer notre propre championnat. Le Congo regorge de talents, mais ils sont abandonnés », affirme Patrick Kalamba, journaliste sportif.

Filimbi cite en exemple le TP Mazembe, club congolais de référence, qui a brillé sur la scène continentale sans aucun soutien public.
« Si Mazembe n’est pas soutenu malgré ses exploits, à qui donc profitera ce partenariat avec Monaco ? », questionne Filimbi.
Au-delà du sport, les organisations dénoncent un projet de prestige déconnecté des urgences nationales : pauvreté extrême, infrastructures délabrées, corruption endémique, insécurité persistante dans l’Est et manque d’accès aux services de base.
« Aucun investisseur sérieux ne viendra ici tant que l’État de droit ne sera pas rétabli. Il ne suffit pas de faire de la publicité à l’étranger. Il faut reconstruire le pays de l’intérieur », insiste Jedidia Mabela, directeur exécutif de l’AJDDH.
Face à cette contestation, les organisations exigent :
« La suspension immédiate du contrat avec l’AS Monaco ; La publication intégrale des termes de l’accord ; L’organisation d’un débat national sur la politique sportive, retransmis en direct ; L’élaboration d’un plan de réforme du secteur sportif, ancré dans les réalités locales ».
« Le sport peut être un levier de dignité et de cohésion. Mais il ne doit pas servir de paravent à la mauvaise gouvernance », prévient encore Palmer Kabeya.
Une mobilisation citoyenne est en gestation pour faire barrage à ce projet, que les contestataires qualifient d’“aventure coûteuse” aux dépens des vraies priorités congolaises : routes, emplois, éducation et justice sociale.