Dans un communiqué publié le 18 juin, le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix et défenseur des droits humains, a exprimé de vives inquiétudes au sujet des pourparlers de paix entre la RDC et le Rwanda. Ces discussions, tenues sous la médiation des États-Unis et l’observation de l’État du Qatar, font suite à la Déclaration de principes signée en avril dernier à Washington.
Tout en saluant les efforts en faveur d’une paix durable, le Dr Mukwege déplore le contenu « vague » de la déclaration conjointe publiée par les parties prenantes. Selon lui, celle-ci se limite à des engagements généraux tels que « le respect de l’intégrité territoriale, l’interdiction des hostilités, le désengagement, le désarmement et l’intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques », sans mécanismes clairs de mise en œuvre ni garantie de justice pour les victimes congolaises.
Dans son communiqué, le Dr Mukwege affirme : « Nous réitérons notre circonspection face à des efforts de médiation qui éludent la reconnaissance de l’agression de la RDC par le Rwanda », soulignant que toute paix véritable doit reposer sur la reconnaissance des faits et la fin de l’impunité. Il s’inquiète d’un processus non inclusif et opaque, donnant l’impression d’un avantage pour « l’agresseur non sanctionné ».
L’oubli manifeste de la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée le 20 février 2025, est aussi pointé du doigt. Ce texte impose un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, le retrait des troupes rwandaises de la RDC et la fin de leur soutien au M23. « Cette résolution s’impose à tous les États », rappelle le communiqué, regrettant que la déclaration conjointe fasse totalement l’impasse sur ces obligations internationales.

Par ailleurs, Denis Mukwege dénonce la logique de « coopération économique » qui semble émerger des discussions. Il avertit : « Envisager une intégration économique et une cogestion des ressources naturelles avec un État agresseur […] est inconcevable », tant que les crimes du passé et du présent ne sont pas jugés. Pour lui, cette orientation reviendrait à blanchir les crimes de guerre et à récompenser le pillage des ressources congolaises.
Le communiqué appelle à une paix fondée sur la justice, la vérité et la réparation, conditions essentielles selon le Dr Mukwege à toute réconciliation dans la région des Grands Lacs. Il souligne : « La paix ne peut se réduire à faire taire les armes, à obtenir un armistice et à faire du business », insistant sur le fait que la justice transitionnelle doit être au cœur du processus de pacification.
Le Dr Mukwege plaide pour une négociation transparente, inclusive et centrée sur les victimes, avec une participation active des femmes, des jeunes et des communautés martyres de l’Est de la RDC. À ses yeux, aucune paix durable ne peut être bâtie sans mémoire, sans justice et sans engagement sincère à mettre fin à trente ans de conflits, de violences sexuelles massives et de déplacements forcés.