Cinq ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour qu’en début juin 2025, des notables du groupement d’Ezekere remettent enfin les pieds à Mandro, en territoire de Djugu dans l’Ituri.
Une journée historique, marquée par l’émotion, la sincérité et l’espoir, où Lendu et Hema se sont assis face à face, se sont parlé, brisant ainsi la barrière de la peur.
Sur la photo, on peut voir les femmes Hema et Lendu se faire des accolades. Cette rencontre a été rendue possible grâce à l’initiative des femmes médiatrices de l’Ituri.
L’activité a réuni majoritairement des femmes leaders des deux communautés, mais aussi des représentants de la société civile, des jeunes et les chefs de groupement.
Calme et déterminée, Marguerite T., secrétaire des femmes leaders d’Ezekere, est venue à Mandro pour la première fois. Elle raconte.
« Quand j’ai annoncé à ma famille que je partais pour Mandro, ils avaient peur. Mais moi, j’étais confiante. Ce n’est pas normal d’avoir peur d’aller à la rencontre de ses voisins. Aujourd’hui, j’ai parlé avec les femmes de Mandro, on a partagé nos douleurs et nos rêves. Je reviendrai, même pour aller faire le marché », relate-t-elle toute rassurée.
Micheline, quant à elle, enseignante originaire de Mandro, qui travaille dans une école du groupement Lendu, incarne par sa présence la possibilité d’un vivre-ensemble fragile mais réel.
« Je vis tous les jours cette cohabitation. Il y a des tensions, mais il y a aussi de la vie, des enfants qui jouent ensemble. Voir aujourd’hui nos deux chefs de groupement assis côte à côte, se serrer la main, ça me touche. Ce sont des gestes simples mais forts de sens. »

Mandro, à 12 km au nord-est de Bunia, est une localité rurale du territoire de Djugu, majoritairement habitée par des Hema, vivant d’élevage des bovins et d’agriculture de subsistance (manioc, haricots).
Ezekere, située à 10 km de la ville, relève du groupement Bedu Ezekere, secteur de Walendu Tatsi. Elle compte une population majoritairement Lendu. On y pratique l’agriculture (céréales, légumes) et l’artisanat, notamment la fabrication réputée de couteaux artisanaux.
Ces deux localités ont longtemps été affectées par les violences intercommunautaires. Une simple rivière les sépare, mais les traumatismes accumulés les ont transformées en frontières intérieures, infranchissables.
Trente-six leaders communautaires (20 femmes et 16 hommes), ainsi que cinq autorités locales, ont pris la parole à tour de rôle pour exprimer leurs craintes, confronter leurs préjugés et discuter des réalités sociales et sécuritaires qui alimentent les tensions, rapporte Jean Tobi Okala, chargé de l’information et des communications stratégiques de la Monusco en Ituri.
Les médiatrices ont animé des exercices pratiques inspirés des techniques de médiation, révélant les peurs profondes de chacun et amenant les participants à proposer ensemble des pistes de solution.
Des paroles, des sourires, des accolades et des regards d’espoir. Cette rencontre a été rendue possible grâce à l’initiative des femmes médiatrices de l’Ituri, formées par la MONUSCO, à travers sa section du Genre, qui a organisé une médiation de proximité le 3 juin dernier.