Lors de la séance plénière de clôture de la session ordinaire de mars 2024, samedi 15 juin, le président de l’Assemblée nationale de la RDC, Vital Kamerhe, a annoncé que le salaire des députés nationaux s’élevait à 14 millions de francs congolais, soit environ 5 000 dollars, en incluant tous les avantages. Cette déclaration a suscité une vive controverse et des réactions diverses au sein de la classe politique et de la société civile.
Martin Fayulu, une figure majeure de l’opposition, a rapidement contesté les propos de Kamerhe, qualifiant ces affirmations de « pure contre-vérité ». Selon lui, les 14 millions de francs congolais mentionnés par Kamerhe ne représentent que les émoluments de base des députés, sans inclure les « avantages/primes diverses » et la « réserve parlementaire ». Fayulu a appelé à une enquête approfondie et à des sanctions appropriées, soulignant que dans d’autres pays, de telles déclarations entraîneraient la démission des responsables concernés, a-t-il affirmé.
L’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) a également remis en question les propos de Kamerhe. Flory Muteba, représentant de l’ODEP, a indiqué que les intentions de réduire les salaires des députés nécessitent une modification de la loi de finances 2024 par un collectif budgétaire. Selon Muteba, la loi ne peut être modifiée par de simples déclarations et les paroles de Kamerhe, bien que louables, ne reflètent pas la réalité budgétaire actuelle.
En effet, selon la loi de finances 2024 en cours d’exécution, l’enveloppe globale dédiée à la rémunération annuelle des 500 députés nationaux est de 140,4 milliards de francs congolais (FC), soit environ 50 150 165 USD au taux de 2800 FC pour un dollar. Cela signifie que le Trésor public décaisse chaque mois 4 179 180 USD pour les salaires des députés, ce qui correspond à une rémunération individuelle de 8 358 USD. Toutefois, en utilisant le taux budgétaire de 2 500 FC pour 1 USD, l’Assemblée nationale débourserait plus de 56 millions USD par an, soit 4 680 682 USD par mois, portant la rémunération mensuelle de chaque député à environ 9 361 USD.

Ces chiffres montrent une nette différence par rapport aux 5 000 USD annoncés par Kamerhe, soulevant des questions sur la transparence et la gestion des fonds publics alloués à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, la société civile a également dénoncé l’existence d’une ligne de crédit dénommée « Fonds spécial d’intervention », allouée à certaines institutions, dont l’Assemblée nationale, pour un montant de 163,9 millions USD cette année, selon la loi de finances 2024. Ce fonds est soupçonné de financer des primes et gratifications non officielles, augmentant ainsi la rémunération des députés de manière non transparente.
Le Centre de recherches en finances publiques et développement local (Crefdl) a exhorté Vital Kamerhe à promouvoir la transparence concernant cette ligne de crédit et d’autres fonds alloués à l’Assemblée nationale. Un rapport de contrôle citoyen publié par le Crefdl a révélé que le Trésor public a dépensé près de 330 millions USD pour la rémunération des députés nationaux et des sénateurs entre 2021 et 2023. Cette différence notable entre les déclarations de Kamerhe et les réalités budgétaires, couplée à l’existence de fonds opaques, alimente les soupçons de pratiques de corruption et de mauvaise gestion des finances publiques par le Parlement.
Il sied de rappeler que les propos de Vital Kamerhe sur les salaires des députés ont déclenché une controverse majeure en RDC. Les réactions de l’opposition, de la société civile et les analyses budgétaires révèlent des incohérences et soulèvent des préoccupations sur la transparence et la gestion des finances publiques. Cette affaire met en lumière la nécessité d’une enquête sérieuse et de réformes pour garantir une utilisation responsable et transparente des fonds publics alloués à l’Assemblée nationale.