Début mai, Médecins Sans Frontières (MSF) a lancé une intervention d’urgence pour répondre à une épidémie de choléra à Lomera, au Sud-Kivu, où la ruée vers l’or et l’absence de conditions d’hygiène adéquates ont favorisé la propagation rapide de la maladie. Plus de 8 000 personnes ont été vaccinées et plus de 600 autres ont été traitées. Les équipes ont travaillé sans relâche pour soigner les malades et améliorer l’accès à l’eau potable.
Jusqu’à récemment, Lomera était un paisible village au bord du lac Kivu, en République Démocratique du Congo (RDC), à peine connu des habitants de la région. En décembre dernier, tout a changé du jour au lendemain avec la découverte d’or dans les collines environnantes.
La ruée vers la fortune, alimentée par l’insécurité économique due aux affrontements entre le groupe armé M23/AFC, l’armée congolaise (FARDC) et leurs alliés de la milice Wazalendo, a transformé Lomera en un point de convergence pour des milliers de personnes à la recherche de travail.
La population de Lomera a explosé à la suite de la découverte d’or fin décembre 2024. Ce qui était un village lacustre de 1 500 habitants s’est rapidement transformé en une agglomération d’abris de fortune, abritant aujourd’hui plus de 12 000 personnes. Alors que le choléra est endémique dans cette région, Lomera présente tous les facteurs de risque d’une épidémie : accès inadéquat à l’eau potable, surpeuplement, capacité insuffisante des latrines, défécation en plein air, installations limitées pour le lavage des mains et faible couverture vaccinale.
Chaque jour, de nouveaux arrivants s’entassent dans des abris déjà surpeuplés, parfois jusqu’à 20 personnes par pièce. « Tous les facteurs propices à une flambée de cas de choléra sont réunis ici », constate Matilde Cilley, référente médicale du projet pour MSF. « On observe une surpopulation extrême, le manque criant d’eau propre, la défécation à ciel ouvert sur les collines, et une absence totale de gestion des déchets. »
Le choléra est endémique dans cette région de la RDC, et le lac est contaminé par la bactérie. Cependant, une épidémie de cette ampleur reste inhabituelle. Les 13 premiers cas à Lomera ont été signalés le 20 avril. En deux semaines, ce chiffre a bondi de plus de 700 % pour atteindre 109 cas—un nombre probablement sous-estimé. Aujourd’hui, la localité concentre 95 % des cas de choléra de la zone de santé de Katana, qui compte plus de 275 000 habitants.
MSF a été la principale organisation internationale à intervenir, déployant une réponse d’urgence le 9 mai. Les équipes ont travaillé sans relâche pour contenir l’épidémie. En seulement quatre jours, plus de 8 000 personnes ont été vaccinées, mais, faute de doses suffisantes, une seule dose a pu être administrée au lieu des deux recommandées.

« La grande majorité de nos patients travaillent dans les mines, où ils utilisent l’eau contaminée du lac pour séparer l’or de la terre, s’exposant ainsi à la bactérie », explique le Dr Théophile Amani, médecin MSF à Lomera. « Le travail manuel pénible et la consommation élevée d’alcool font que beaucoup sont déjà déshydratés avant même d’être infectés. »
Le traitement du choléra est essentiellement axé sur la réhydratation des patients. À Lomera, la forte consommation d’alcool et le travail manuel intensif dans les mines font que les patients atteints de choléra sont souvent encore plus déshydratés que d’habitude, et arrivent souvent en traitement dans un état critique.
Après traitement, les patients reçoivent des kits d’hygiène—seau, pastilles de purification d’eau et savon—ainsi qu’une sensibilisation et des informations essentielles pour prévenir de futures infections. Bonheur Maganda, 25 ans, originaire de Kabamba, est l’un de ces patients. « Sans MSF, beaucoup seraient morts », témoigne-t-il. « L’agent de promotion de santé m’a expliqué l’importance de me laver les mains avec de l’eau propre et de faire attention à la nourriture. Je partagerai ces conseils avec les autres. »
MSF a également installé une station de traitement et de distribution d’eau au bord du lac, fournissant environ 60 000 litres d’eau potable par jour. 100 latrines et 25 points de lavage des mains supervisés par des promoteurs de la santé ont été mis en place. La recherche active des contacts et le traitement préventif des personnes exposées au choléra ont été essentiels pour contenir la propagation.
L’intervention d’urgence de MSF sera bientôt transférée à d’autres partenaires, mais il est urgent de trouver des solutions durables pour garantir l’accès continu à l’eau potable. « Sans investissements conséquents dans les infrastructures d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH), des flambées comme celle-ci risquent de se répéter régulièrement », alerte Muriel Boursier, cheffe de mission MSF à Bukavu. « Actuellement, le puits le plus proche se trouve à trois kilomètres. Les partenaires internationaux et les autorités locales doivent se mobiliser pour mettre en place des solutions durables. »