C’est autour de ce thème que les professionnels des médias de la ville de Beni, réunis sous la bannière de la Mutuelle des journalistes de Beni (MJB), ont planché ce vendredi 31 mai à l’Espace Sheraton de cette ville du Nord-Kivu.
Pour ce faire, quatre-vingt-cinq journalistes, dont 16 femmes, ont échangé avec la MONUSCO et les FARDC : deux partenaires qui se plaignent régulièrement de ce phénomène dont les conséquences impactent négativement aussi bien la lutte contre les groupes armés que la cohésion sociale.
« Nous sommes dans une zone opérationnelle, en situation de guerre depuis plus d’une décennie. Nous avons constaté qu’il y a une montée en flèche des nouvelles technologies de l’information et de la communication ; et cela a généré l’accroissement de la désinformation qui contribue à la persistance de la guerre. Dès lors, si les journalistes sont suffisamment outillés pour lutter contre la désinformation, nous pensons que cela peut contribuer à la pacification de notre région », explique Milan Kayenga, le président de la Mutuelle des journalistes de Beni et journaliste à la Radio Moto/Beni.
La région de Beni est en effet en proie à une insécurité persistante depuis plusieurs années. Groupes armés locaux et étrangers s’y côtoient et commettent des atrocités contre les populations civiles, à défaut de les soumettre à toutes sortes de tracasseries.

La désinformation : un vrai poison.
L’armée nationale (FARDC), appuyée par les casques bleus de la MONUSCO, mène depuis des années une guerre dite « asymétrique » contre les groupes armés. Seulement, cette guerre est parfois minée par la désinformation qui met à mal la coopération civilo-militaire : à cause de fausses informations véhiculées par les réseaux sociaux, les médias classiques ou le bouche à oreille, certains habitants adoptent des comportements de résistance voire de défiance face aux forces de défense et de sécurité.
« Je suis journaliste à Beni depuis trois ans, et je réalise à quel point la désinformation constitue un danger, que dis-je, un poison, dans cette région en proie à l’insécurité, et où, si les gens ne sont pas bien informés ou ont une mauvaise information, ils entreprennent des actions violentes dans lesquelles certains perdent la vie », reconnait une journaliste qui a participé à cette rencontre et qui tire la sonnette d’alarme.
Le chef de Bureau de la MONUSCO/Beni abonde dans le même sens. Selon Josiah Obat, la désinformation empêche parfois la MONUSCO d’exécuter son mandat de protection des civils dans la région de Beni-Butembo et Lubero, où certains individus, victimes de ce phénomène, n’hésitent pas à s’en prendre aux convois de casques bleus.

« Aujourd’hui, la population a du mal à savoir quelle est la vraie information et ce qui est faux. Parfois, cela bloque l’accès à la MONUSCO qui est ainsi empêchée d’intervenir, parce que la population a déjà consommé quelque chose qui n’est pas fiable », s’inquiète Josiah Obat.
Régulièrement pointés du doigt pour être parmi les principaux acteurs de la désinformation, les médias (sociaux et classiques) ont en effet une part de responsabilité non négligeable dans la propagation des « fake news ».
Cette conférence-débat avait donc pour objectif de faire une sorte d’introspection collective entre les professionnels des médias de la ville de Beni et leurs partenaires de la MONUSCO et des FARDC qui luttent au quotidien contre les groupes armés. Il s’agissait de faire prendre conscience aux uns et aux autres des dangers de la désinformation, puis de les inciter à changer d’habitude afin de devenir les « médecins de la désinformation ».